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LA LIBERTE, LE BIEN, LE MAL ET LES COMICS

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LA LOI ET LE CODE: COMICS SOUS CONTRÔLE
 Un grand merci à Christophe CROMPIN pour sa relecture! 
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LA LIBERTE, LE BIEN, LE MAL ET LES COMICS

 

 Jadis décriés, critiqués, jugés porteurs de bien des maux, voire même responsables de la décadence

de la jeunesse; les super-héros et leur univers sont aujourd'hui étudiés par les universitaires, des thèses

leur sont consacrés et ils sont même compris comme une nouvelle mythologie. Pas mal pour des histoires 

publiées dans des petits fascicules au papier de mauvaise qualité...

 

 

Les comics: mythe ou production industrielle?

 

 Comme je l'ai dit plus haut (cf: mythe sociologique et entertainment), les comics et les héros qu'ils abritent témoignent des tendances lourdes d'une époque, d'une société. Témoins ils le sont mais indirectement et plutôt involontairement. Ce n'est pas le rôle des comics de penser ou d'analyser les tendances socio-culturelles de l'époque qu'ils traversent. Les comics "prennent toujours le train en marche", ils suivent, parfois utilisent, les grande lignes socio-culturelles. Ce n'est pas une faiblesse. Bien au contraire, c'est en cela qu'ils sont témoins de leur époque. 

 Les comics sont une industrie mondiale soumise aux lois du marché économique, aux études de marché, aux études de tendances, aux modes, etc. etc. Batman n'a pas été créé par hasard, ou par simple lubie de Bob Kane. Batman est une création commandée à partir d'un marché économique porté par Superman. Superman est le seul inattendu dans l'univers des super-héros. Ce qui est extraordinaire ce n'est pas tant qu'une création anodine (une petite BD pour kids) devienne le fondement de tout une industrie. Ce qui est remarquable dans la création de Seigel et Shuster est qu'elle est dès le début insurpassable et non un simple brouillon que viendraient améliorer les super-héros créés par la suite. Bob Kane et tous les autres ne pourront faire mieux que Seigel et Shuster. Bob Kane, Stan Lee feront différents. Bob Kane ou Stan Lee ne sont pas des artistes; ils sont des créateurs. Dire de Kane ou Lee qu'ils ne sont pas des artistes n'est en rien minimiser leur talent. A tout prendre mieux vaut être un grand créateur qu'un artiste médiocre. Les super-héros ne sont pas une création artistique. Mais bien une création du marché économique. Superman est né des ruines de la Crise de 29. Superman fut créé en 1932 et édité seulement 6 ans plus tard.

 Il semble bien que les super-héros et leur univers soient le premier mythe enraciné dans l'économie de marché.  Cela ne doit pas étonner si l'on accepte le postulat que ce n'est pas le mythe qui façonne la société mais bien la société qui façonne le mythe à sa dimension. Toute société a ses mythes fondateurs (à posteriori) sur lesquels elle prend appui. Nietzsche a écrit dans son Zarathoustra "Tous les dieux sont morts. Nous voulons maintenant que le surhomme vivent!." Il est bien possible que l'homme moderne, aidé par la science, ait tué les dieux; ou pour le moins les ait mis sur la touche. Mais l'Homme ,lui, a besoin des dieux, des divins et des titans. Et ne nous y trompons pas, Superman n'est pas le surhomme nietzschéen. Il es est même ce qui en est le plus éloigné. Superman est le premier dieu mythologique des Temps Modernes et les comics sont peut-être notre Odyssée, celle des Temps industriels?

 

 

Les comics: promoteurs de la Liberté?

 

 L'un des reproches récurrents fait aux comics est leur vision manichéenne du Monde. Bon d'accord. Mais, à cette vision les comics ne peuvent échapper. Le fonds de commerce des comics c'est la lutte du Bien contre le Mal. Tout comme les anciens dieux, les super-héros incarnent cette lutte. De plus lorsque j'écris "fonds de commerce" ce n'est pas une simple formule. Bien avant de produire le panthéon de la nouvelle mythologie, les comics sont une industrie. C'est presque par accident qu'ils sont devenu notre mythologie.  En tant qu'industrie mondiale, les comics se doivent de véhiculer les grandes lignes socio-culturelles du Monde, enfin du monde Occidental. Ils se doivent également d'être les promoteurs des valeurs communes à l'ensemble de l'humanité; pas par humanisme mais par réalisme commercial et sans doute aussi par une tendance plus ou moins marquée à promouvoir ce que l'on pourrait appeler "l'Américan Way of Life, version comics". Bien sûr tel ou tel auteur (à juste raison) pourra se défendre d'avoir une telle volonté ou un tel impact en écrivant ces "petites histoires sans importance". Mais l'audience mondiale de ces "petites histoires sans importance" prouve le contraire. "L'Américan Way of Life version comics" c'est la lutte du Bien contre le mal pour préserver la valeur ultime, celle qui peut, paradoxalement, justifier toute les destructions: la Liberté.

 Dans l'univers des comics le Mal est globalement de deux ordres ou, pour le dire autrement, le Mal a deux fonctions. L'une pouvant aller sans l'autre ou se juxtaposer. La première fonction du Mal version comics est de détruire le Monde ou de le dominer. La seconde fonction du Mal version comics est de détruire un ordre (politique et/ou social) installé et, explicitement ou implicitement, compris comme "ordre démocratique", c'est-à-dire voulu, reconnu et accepté par un peuple souverain. Dans ce "meilleur des Mondes à la sauce comics", le Mal apporte le chaos, la destruction bien plus que la mort. Le plus souvent cette dernière est abstraite. Exemple? Détruire un univers, une galaxie ou même une planète est au-delà de l'appréhension d'un individu pour la simple raison qu'un tel cataclysme n'est pas à l'échelle humaine. Ce qui ne veut pas dire que l'on ne peut en avoir une compréhension abstraite, c'est à dire qui fait appelle à l'imagination et non à l'empirique. Comment expliquer autrement que aucun fan ne soit traumatisé par la destruction de tel ou tel Monde et que la mort de gwen Stacy soit encore un souvenir pénible pour tous les fans de Spider-Man. Les comics c'est du rêve. La mort ne fait pas rêver. Elle peut être au mieux un atout dramatique.

 Les comics exaltent la valeur ou le bien suprême aux yeux de la société qui les a produit: la Liberté. Bien plus que leur manichéisme si facilement mis en exergue, surtout par ceux qui n'ont rien d'autre à dire sur les comics pour la simple raison qu'ils ne les connaissent pas, c'est dans ce rapport à la Liberté que se tient le problème ou la question, si problème ou question il y a. 

Pascal Le Bris, janvier 2005.

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LA LOI ET LE CODE: COMICS SOUS CONTRÔLE

 

" Moi, les albums Lug ne m'intéressent pas. Les histoires sont retouchées, 

il manque des cases, même des pages! C'est nul."

 Critique récurrente, depuis plus de trente ans, dans le petit monde des fans francophones de comics. Critique à la fois juste et injuste. Il est tout à fait clair que les éditions Lug procédèrent à diverses retouches. Cependant, l'éditeur n'avait guère le choix. C'était les retouches ou l'interdiction du titre, au mieux, à la vente aux mineurs et, au pire, l'interdiction tout court. 

LA LOI.

 En France, depuis 1949, toute publication destinée à la jeunesse tombe sous le coup de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Au fil des décennies la loi fut régulièrement amendée afin de prendre en compte certaines évolutions sociétales. Cependant, aujourd'hui encore, Spider-Man ou Batman sont toujours édités sous le contrôle de la loi de 49.

 Loi de 1949... Est-ce à dire qu'avant cette date les comics évitaient les retouches? Et bien non. Batman comme Superman furent, dès leurs débuts en France, ne disons pas censurés; disons plutôt "adaptés". Le but des éditeurs étant semble-t-il de rendre ces personnages moins étranges (moins étrangers?) aux jeunes lecteurs. Flash Gordon devint Guy l'Éclair, Superman prit le nom de Yordi, Bruce Wayne devint Bruce Veyne et la Batmobile fut rebaptisée Perfoncer (??!), de son côté Loïs Lane se découvrit un nouveau prénom: Louise. En quoi le prénom Loïs est-il incompréhensible? En quoi Perfoncer est-il moins étrange que Batmobile? Dans Batmobile il reste encore quelque chose de automobile. Et Yordi??? Combien de petits français se demandérent ce que venait faire le "S" sur la poitrine de leur héros?

 Le but de toutes ces modifications est-il bien celui annoncé: rendre les aventures de  ces drôles de héros dans leurs étranges accoutrements plus accessibles à la jeunesse?  La loi de 49 est-elle d'inspiration sociale et pédagogique ou est-elle bâtie sur une vision politique de la culture? 

 Que dit la loi? 

 - Les publications destinées à la jeunesse ne doivent comporter aucune illustration, chronique, rubrique présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté et tout acte susceptible de démoraliser la jeunesse. Démoraliser: à placer bien sûr dans les pas de la Morale et non dans ceux de la déprime.

 - Les publications destinées à la jeunesse ne doivent pas entretenir de préjugés ethniques. En langage de tous les jours: préjugés racistes. Bien louable intention mais combien de héros noirs? Combien de héros d'origine asiatique? La loi demande également de "ne pas froisser les lecteurs d'outre-mer." Combien de héros de la Réunion, de la Martinique? 

 - Le héros ne doit pas commettre d'acte répréhensible. Le héros montre le bon exemple. Le héros a un dévouement authentique à la cause du Bien. Le héros se sert de son intelligence plus que de sa force. Nous comprenons mieux pourquoi Ben Grimm, la "Chose aux yeux bleus", eut quelques soucis avec la Commission de Censure à l'époque de Fantask.

 - Le méchant ne doit pas être présenté sous un jour favorable. Il est méchant. Et le méchant il est mé-chant! Il est toujours rassurant (et illusoire) de croire que l'on reconnaîtra le Mal quand il se présentera.

 Dans les années 70, si un éditeur voulait publier les extraordinaires et étranges aventures des super-héros sans l'approbation de la loi de 49, il le pouvait. Ce choix fut celui des éditions Artima et de leur célèbre collection "Comics Pocket". Certes. Mais ces publications portaient l'avertissement: "bandes dessinées pour adultes". Hulk, Ka-Zar, le Motard fantôme, Aquaman, Kamandi, le Joker et bien d'autres se retrouvèrent ainsi sur le même présentoir que "Playboy", "Lui" ou les BD érotiques d'ElviFrance.  Souvenons-nous ici que ces mêmes héros étaient déjà soumis ,dans leur pays d'origine, au Comics Code Authority qui ne badinait dèjà pas avec la morale! Hulk côtoyant la playmate du mois... Avouons que c'est une situation plutôt cocasse. L'on aurait pu croire que cette mention de "bandes dessinées pour adultes" aurait au moins l'avantage de préserver les oeuvres originales des retouches. Il n'en fut rien. Le format de poche imposa à l'éditeur une déconstruction des planches et parfois même (assez souvent d'ailleurs) de redessiner certaines cases. Avec un peu d'attention cela se remarque assez facilement. Les dessinateurs chargés des retouches ne se donnant pas la peine de copier le style de l'artiste original. 

LE CODE. 

 Tout commença par l'activisme moralisateur de nombreuses associations familiales et l'action d'un personnage plutôt sinistre: Frederic Wertham, le docteur Wertham. Ce monsieur, du haut de son titre, "diagnostiqua" qu'un danger certain menaçait les kids de la Nation. Ce danger, ce Mal qui séduisait les innocents, il le démasqua et le montra d'un doigt accusateur. Pour Wertham le danger avait pour nom: comic-book. En ces années 50, les États-Unis traversait une période de grande paranoïa collective liée à la Guerre Froide. L'Invasion Rouge menaçait de submerger les USA à chaque coin de rue. Wertham et son discours paranoïaque sur les comics arrivaient en terre déjà acquise. En fait il semble bien que Wertham avait des ambitions politiques mais qu'il lui manquait un sujet porteur. A cette époque de nombreux politiciens avaient déjà interdit certains comics dans les États dont ils étaient en charge. Et voilà Wertham avec un sujet de campagne tout trouvé. Il fut d'autant plus crédible qu'il parlait avec le poids de son titre: psychiatre.

 Afin de sauver leur industrie, les maisons d'éditions élaborèrent une sorte de "code de bonne conduite éditoriale". C'est ainsi que le 26 octobre 1954 le Comics Code Authority fut ratifié par 26 éditeurs. La survie des héros de papier fut à ce prix.

 Il serait par trop fastidieux de donner ici l'ensemble des instructions (terme employé dans le texte du Code). En voici cependant un petit "best of".

 - Le Bien doit toujours triompher du Mal.

 - Toute illustration angoissante doit être évitée (bye bye EC Comics...). 

 - Sont interdites injures (bat-damned!), obscénités, grivoiseries.

 - Interdites toutes allusions à des défauts ou malformations corporelles (hum... sale temps pour Two-Face!).

 - Interdites également la raillerie et l'agressivité à l'égard de tout groupe religieux ou ethnique. Comme quoi l'humanisme et la tolérance peuvent s'accommoder du KKK et des magasins  pour "white only".

 - La nudité, même incomplète, est interdite.

 - Enfin le code s'étend longuement sur les rapports normaux entre les sexes et le mariage. Wonder Woman eut-elle des ennuis avec le Code pour sa tenue vestimentaire ou sa tenue sociale?

 Très puissante dans les années 50 / 60, l'autorité du Code déclina peu à peu à partir des années 70.

 Aujourd'hui, le Code, comme la loi de 49, restent des témoignage précieux sur deux sociétés et les valeurs morales qu'elles estimaient (estiment?) comme fondamentales.

Pascal Le Bris, mars 2005.

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