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Le sabre n'attrape aucun poisson

 

_ Ohoshi, tu vas dans la montagne aujourd'hui? Je peux venir?

_ Oublies-tu ta leçon avec le maître?

_Oh! Non. Notre maître passe la journée en une conversation avec l'univers. Comme je n'avais pas bien compris sa parole, notre maître m'a dit qu'il allait méditer en compagnie du pinceau et de la feuille. Alors j'ai compris. Il voulait faire de la calligraphie.

_ Le chemin silencieux de shôdô...

_ Je peux t'accompagner?

_ Tu peux venir.

 

 A  présent le crépuscule était proche et la déception de Kitshiemon grande. De toute la journée, Ohoshi n'avait pas sorti le sabre une seule fois!

_ Il est temps de rentrer.

_ Rentrer? Ohoshi!? Et le sabre?

_ J'oubliais. C'est pour cela que tu es venu.

_ Pourquoi N'as-tu pas sorti le sabre? Je croyais que tu allais t'exercer. Mais tu n'as pas sorti le sabre une seule fois.

_ C'est là la leçon.

_ La leçon? Quelle leçon?

_ Le sabre n'est pas une canne à pêche.

_ Ohoshi, ne te moque pas!

_ Je ne me moque pas. Lorsque le pêcheur prend sa canne pour aller à la pêche, le jeune enfant qui le suit ne doute pas, et avec raison, qu'elle va servir. Le chemin du sabre ne mène pas à une musette pleine de poissons.

 

Pour aller plus loin dans la lecture du conte.

Shôdô. La traduction logique donne "la voie de la calligraphie". L'affaire est ainsi bouclée en une ligne. Cependant, cette traduction, parce que logique, donne-t-elle d'autorité congé à l'affaire? Shô conduit vers un chemin. Shô est passage, pont. Shô conduit sur l'autre rive. Shô, à sa manière, est un saut. Pour aller sur le chemin de shô, il faut savoir laisser. Nous proposons de "traduire" shôdô comme suit: aller par un chemin en compagnie de la calligraphie jusqu'à un pont. Là nous nous préparons pour sauter. Cette "traduction" a, croyons-nous, l'avantage de ne pas boucler l'affaire mais bien d'inviter à penser plus profondément ce petit mot. Shôdô est l'un de ses passages qui, sous l'autorité en retrait de la Voie, invite le mortel à se mettre en quête du Propre.

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 Pascal Le Bris, juillet 2006.

  

 

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